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10 décembre 2020: Journée Internationale des droits de l’homme: Pourquoi il ne faut pas faire une différence entre droits de l’Homme et droits humains ?
Crée le 10/12/2020 à 03:39:39
Mis à jour le 10/12/2020 à 03:39:39

Au milieu Mme Eléanor Roosevelt  à droite René Cassin (Nouvelles des ONG, CIRAC, INDH, organisations régionales et onusiennes)

Au milieu Mme Eléanor Roosevelt à droite René Cassin

Journée Internationale des droits de l’homme
Pourquoi il ne faut pas faire une différence entre droits de l’Homme et droits humains ?
Les deux notions se valent, pour mettre en oeuvre le mandat des Nations Unies dans le cadre du chapitre VII en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et du droit d’ingérence
La Journée des droits de l’homme est célébrée par la communauté internationale chaque année, le 10 décembre, en souvenir du jour où, en 1948, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté à Paris la Déclaration universelle des droits de l’homme.
La première Journée des droits de l’homme a été lancée officiellement en 1950, après l’adoption par l’Assemblée de la résolution 423 (V) invitant tous les États et les organisations intéressés à faire du 10 décembre de chaque année la Journée des droits de l’homme.
Lorsque l’Assemblée générale a adopté à Paris au Palais de chaillot, la Déclaration, avec 48 États pour et huit abstentions, elle a été proclamée « un idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations », que tous les individus et toutes les sociétés doivent « s’efforcer, par des mesures progressives d'ordre national et international, d’assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives ». Bien que la Déclaration, avec tout son éventail de droits politiques, civils, sociaux et culturels et économiques, ne soit pas un document contraignant, elle a inspiré plus de 60 instruments relatifs aux droits de l’homme qui constituent ensemble un corpus international de normes en matière de droits de l’homme. Aujourd’hui, le consentement général de l’ensemble des États membres de l’ONU à l’égard des droits de l’homme fondamentaux énoncés dans la Déclaration la rend encore plus forte et souligne la pertinence des droits de l’homme dans nos vies quotidiennes.
Le thème de la Journée des droits de l’homme de cette année 2020 est lié à la pandémie de COVID-19 et met l’accent sur la nécessité de reconstruire en mieux, en veillant à ce que les droits de l’homme soient au cœur des efforts de relèvement. « Nous n’atteindrons nos objectifs mondiaux communs que si nous sommes capables de créer l’égalité des chances pour tous, de remédier aux échecs qui ont été mis en lumière par le COVID-19 et qui ont favorisé la crise, et d’appliquer les normes relatives aux droits de l’homme pour lutter contre les inégalités, l’exclusion et la discrimination profondément ancrées et systématiques » précisent les Nations Unies.
Le 10 décembre est l’occasion de réaffirmer l’importance des droits de l’homme dans les efforts des Africains qui se battent contre les régimes tyranniques.
Dans trop d’endroits et particulièrement en Afrique, les droits de l’homme et l’état de droit ne sont qu’un rêve lointain. Avec le mépris pour les droits humains cela risque d’obscurcir l’horizon des libertés et des droits fondamentaux de la personne. Qu’on désigne les droits de l’homme par les droits humains cela ne change rien aux dictateurs qui ont pris en otage leurs populations. Celles-ci ne peuvent pas jouir du strict minimum c’est-à-dire des droits moins onéreux à savoir les droits civils et politiques.
La Déclaration universelle des droits de l’Homme (Universal Declaration of Human Rights en anglais) adoptée par les Nations unies en 1948 s’adresse aux femmes comme aux hommes. Madame Eléanor Roosevelt autrice ( pourtant féministe engagée) et huit autres auteurs de ce texte (à savoir René Cassin, John Peters Humphey, Charles Malek, P.C. Chang, Hemàn Santa Cruz, Charles Dukes, Alexandre Bogomolov, Willian Roy Hodgson ) ont d’ailleurs recouru le plus souvent en français à des termes autres que « homme », c’est le cas du premier article qui confère les droits à tous les êtres humains. Ceux-ci naissent libres et égaux en droit.
Refuser de parler de Droits de l’Homme c’est faire admettre l’idée que les Droits de l’Homme ne seraient pas pour tous. Cessez d’opposer la notion des Droits de l’Homme à celle des Droits Humains.
La critique formulée par certaines organisations féministes depuis les années 1990 et récemment en 2015 par le Haut Conseil à l’intégration de France selon laquelle les Droits de l’homme n’incluaient pas les femmes est une simple fantaisie de celles et ceux qui croient finir avec une logique linguistique discriminatoire. Retenons les deux notions qui désignent la même chose : Droits de l’Homme et Droits Humains.
Comme l’a si justement introduit Karel Vasak : « Les droits de l’homme ou si vous le voulez droits humains ne sont ni une nouvelle morale, ni une religion laïque ; ils sont beaucoup plus qu’une langue commune à tous les hommes » Faut-il voir dans les Droits de l’homme une vision masculine, paternaliste et sexiste des droits ? Ce serait, là méconnaitre l’origine latine de l’expression Droits de l’homme.
Homo, qui renvoie à ce que l’on qualifie en français souvent d’Homme avec une majuscule : l’homme en qualité d’être humain.
L’expression Droits de l’homme vise l’ensemble de la communauté humaine, ces droits « pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion » selon la Charte des Nations Unies (art. 1er, § 3)
L’égalité entre les femmes et les hommes demeure une question de progrès (dont il faut se satisfaire des acquis tout en reconnaissant le chemin restant à parcourir) sans parvenir à s’installer pleinement en droit citoyen qui bénéficierait du même consensus que celui qui accorde une valeur suprême aux « droits de l’homme ».
Et pourtant le français reste l’une des langues diplomatiques ou de travail au sein des Organisations Internationales. Le maintien de l’usage, « droits de l’Homme », par le monde francophone ne peut donc pas autoriser certains réformateurs à isoler la France dans un monde où la plupart des pays européens utilisent le terme « humain »: « Human rights » en anglais, « derechos humanos » en espagnol, et « droits de la personne humaine » au Québec francophone.
S’il n’est pas question de modifier les titres la Déclaration universelle des droits de l’Homme, Le contenu des deux pactes internationaux relatifs aux droits l’homme, aux différentes conventions spécifiques, afin de préserver les traces de l’Histoire. Ce n’est pas parce que depuis décembre 2018 un organe de la France avec son Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a décidé d’appeler il y a dix ans à l’utilisation de l’expression « droits humains » pour tout autre usage afin d’en finir avec la logique discriminatoire encore véhiculée par la langue française, que nous allons nous conformer à ce qui est une simple recommandation des dispositions acquises à la première conférence mondiale des droits de l’homme. En effet cette conférence avait suggéré de retenir l’usage des droits humains comme celui des droits de l’Homme.
Depuis plusieurs années, les pétitions ont circulé dans plusieurs pays qui continuent de mentionner l’expression de « droits de l’homme » pour désigner les « droits humains ». A l’ère de la mondialisation les femmes ne veulent plus porter ce qui paraît comme un héritage de l’exclusion des femmes.
Aucune raison d’effacer l’expression droits de l’homme pour contenter ceux qui encouragent l’inégalité entre les deux sexes. Les droits de l’Homme et les droits humains sont une même expression qui consacre les droits fondamentaux de l’homme et de la femme. Donc nous pouvons dire Droits de l’Homme ou droits humains.
La Conférence mondiale de 1993 sur les droits de l’homme tenue à Vienne a marqué une étape décisive dans l’histoire de l’Organisation des Nations Unies. L’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne nous ont fait progresser dans la défense des principes énoncés dans la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Il y a vingt ans, en juin 1993, plus de 7 000 personnes ont participé à la Conférence mondiale de Vienne sur les droits de l’homme dont deux membres du CIRAC .
Les 7 000 participants à la Conférence ont surmonté de grandes divergences pour établir la Déclaration et le Programme d’action de Vienne. Ces documents ont affirmé clairement que les droits de l’homme sont universels. Les droits civils et politiques indivisibles d’une part et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part sont interdépendants et intimement liés
La déclaration de Vienne engage ainsi les États à promouvoir et à protéger l’ensemble des droits de l’homme pour tous, quel que soit leur système politique, économique et culturel.
La Conférence de Vienne notre seule référence a été un jalon important dans la quête de droits de l’homme universels que poursuit l’humanité.
Tout en rappelant le préambule de la Charte des Nations Unies, en particulier la détermination des peuples des Nations Unies à proclamer à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, la première conférence mondiale des droits de l’homme a reconnu et affirmé que tous les droits de l’homme découlent de la dignité et de la valeur inhérentes à la personne humaine.
Cette dernière est le sujet même des droits de l’homme et des libertés fondamentales et que, par conséquent, elle doit en être le principal bénéficiaire et participer activement à leur réalisation,
L’extrême pauvreté généralisée s’opposant à la jouissance pleine et effective des droits de l’homme, la communauté internationale doit continuer à accorder un rang de priorité élevé aux mesures visant à l’atténuer dans l’immédiat pour, finalement, l’éliminer.
Il faudrait qu’il y ait dans chaque État un ensemble de recours efficaces pour remédier aux violations des droits de l’homme. L’administration de la justice, notamment les organes chargés de faire respecter la loi et les organes chargés des poursuites et, surtout, un corps judiciaire et un barreau indépendants, en pleine conformité avec les normes applicables énoncées dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, sont essentiels à la pleine réalisation de ces droits, sans discrimination aucune, et sont indispensables à la démocratisation et à un développement durable.
La Conférence mondiale sur les droits de l’homme avait reconnu l’importance du rôle joué par les organisations non gouvernementales dans la mise en œuvre effective de tous les instruments internationaux des droits de l’homme.
Dans la réalité quotidienne cependant, le sort des droits de l’homme varie tellement selon le lieu sur lequel se portent nos regards.
En droit international, les droits correspondant aux droits du citoyen sont appelés « droits de l’Homme. Leur reconnaissance intime à tous les Etats le même devoir d’entériner ces droits dans leur propre législation, en tant que droits internes des citoyens
Ce n’est donc pas là le changement de vocable droits de l’homme en droits humains qui va favoriser leur meilleure garantie. C’est sur leur mise en œuvre et l’application des textes contraignants comme des pactes et conventions y relatifs. Nous citons d’une part :
« l’Article premier commun aux deux pactes (Pacte international relatif aux droits civils et politiques et Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels)
1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.
Vous comprenez que l’autodétermination des peuples figurent parmi les droits de l’homme.
Ne pouvant s’exercer que collectivement, l’autodétermination est aux peuples ce que la liberté est aux individus, c’est-à-dire qu’elle est la base même de leur existence. Si l’autodétermination ne peut être un droit individuel de l’homme, elle est très certainement la condition nécessaire de l’existence même des droits de l’homme, en ce sens que là où elle n’existe pas, l’homme ne peut être libre puisqu’il lui est interdit de se libérer.
Généralement les droits de l’homme ne deviennent une réalité juridique que dans un Etat de droit. Un Etat de droit est celui dans lequel toutes les autorités et tous les individus se trouvent liés par des règles générales et impersonnelles préétablies, en un mot par la loi. Hors ce qui se passe dans certains Etats Africains est loin de garantir les droits individuels et même les droits collectifs.
Les droits individuels constituent le point de départ pour les droits du citoyen : c’est l’apparition de l’individu et sa reconnaissance juridique qui auraient été à l’origine de l’ensemble du processus conduisant à l’élaboration de ces droits.
Avec les droits de l’homme s’est ouvert aux Nations Unies un domaine nouveau pour le droit international où la question de la souveraineté reste entièrement ouverte. Ici, l’Etat pressent un danger qui le menace de la part de la communauté internationale, et il s’élève par principe contre elle.
C’est pourquoi nous plaidons comme René Cassin à la notion de limitation de la souveraineté et l’application de la notion d’ingérence.
En effet, sous la direction du Professeur Mario Bettati, j’ai mentionné ce concept dans mes travaux en reconnaissant le droit de violer la souveraineté d'un État réputé violateur des droits de l’homme pour garantir les droits fondamentaux des personnes face à des violences gouvernementales.
En 1987, après la soutenance de ma thèse en mars 1986, un colloque international sur le droit et la morale humanitaires est organisé par la Faculté de Droit de Paris-Sud dont le Professeur Mario Bettati est alors l’administrateur provisoire, et par Médecins du Monde dont Bernard Kouchner est alors le président. La résolution adoptée par ce colloque reconnait le droit des victimes à l’assistance humanitaire et l’obligation des États d’y apporter leur contribution. Le gouvernement français décident d’être le porte-parole des actes de ce colloque auprès de l’ONU, d’où l’adoption des deux résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies en 1988 et 1990, et d’une du Conseil de sécurité en 1991.
Le « droit d’ingérence » désigne ainsi la possibilité pour des acteurs d’intervenir dans un État, même sans son consentement, en cas de violation massive des droits de l’homme. Il crée ainsi un lien entre assistance humanitaire et usage de la force, au nom d’une obligation morale.
La communauté internationale proclame ce qui ressemble à la naissance d’un nouveau droit , le droit et devoir d’ingérence mais qui n’est pas reconnu en tant que tel par le droit international.
Bernard Kouchner s’est éloigné de cette notion dont il devait être le porte flambeau, préférant dorénavant la « responsabilité de protéger » certaines dictatures comme celles du Congo et de Guinée.
C’est donc une occasion pour les ONG et juristes de mener des actions dans le sens de la reconnaissance de ce nouveau droit comme nous le faisons pour le concept de l’écocide.
En effet, le troisième considérant du préambule stipule « qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que les droits de l’homme soient protégés par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».
La dialectique entre droits de l’homme et violence n’a pas échappé aux auteurs de la Déclaration universelle.
Lorsque la population est réprimée ou persécutée par un régime tyrannique, la communauté internationale doit intervenir pour protéger les individus et au mieux renverser le dictateur afin de mettre fin à la catastrophe humanitaire et garantir les droits de l’homme.
L’intervention militaire pour la défense des droits fondamentaux ne devrait plus comporter des zones d’ombre et susciter la polémique. Le mandat des Nations Unies porte également sur le respect des droits de l’homme et la garantie de la protection des droits fondamentaux lorsque la catastrophe humaine est due à la violence politique et la mauvaise gouvernance contraire aux principes de l’état de droit.
Dans tous ces conflits internes menés par des dictateurs, la communauté internationale doit intervenir dans l'intérêt des civils d'un État. Il s’agit en fait de renverser un dictateur pour cesser les violences et violations des droits de l’homme.

Me Maurice Massengo-Tiassé
Dr d’état en droit
Consultant en droit international des droits de l’homme
Président du CIRAC
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1. Karel Vasak « les dimensions internationales des droits de l’homme, Unesco Paris 1978.